fmr-ecrivain

1.

Il était une fois une chenille, appelée Éphémère.

Comme toutes les chenilles, Éphémère deviendrait un papillon après sa métamorphose.

Le destin d’Éphémère était de s’envoler dans le ciel, même si la liberté avait un prix.

Car cette chenille appartenait à une espèce de papillons, qui vivait très peu de temps.

En effet, dès qu’ils quittaient leurs cocons, ces papillons ne vivaient qu’une journée.

Une journée, c’était très court, pour trouver l’amour de sa vie. Certains papillons ne trouvaient personne, et mouraient seuls.

C’était triste, de ne pas avoir eu le temps de pondre les œufs qui donneraient une nouvelle chenille.

Éphémère savait qu’elle n’aurait qu’une journée, comme toutes les autres. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de se nourrir de feuilles tendres.

La chenille était pressée de manger, pour devenir un grand et beau papillon.

Éphémère mangeait, mangeait, et mangeait encore, pour grossir, et être assez forte pour se construire son cocon.

Quand son ventre fut plein, elle ne perdit pas une seconde : voulant s’envoler pour connaître la liberté, elle tissa son cocon.

Puis Éphémère s’installa dedans, pour faire une bonne sieste.

Quand la chenille se réveillerait de son sommeil, elle serait devenue un papillon.

2.

Éphémère ouvrit les yeux.

Il était à l’étroit dans le cocon, devenu trop petit pour lui.

Éphémère sortit d’abord la tête, puis son corps.

Il était devenu un papillon, même si ses ailes étaient encore froissées.

Pourtant, il ne se sentait pas bien.

Il n’avait pas la force de voler

Il avait faim.

Pendant qu’Éphémère dormait dans son cocon, la belle saison était passée.

Il faisait froid, et humide.

Alors qu’il n’était qu’au matin de sa vie, Éphémère était déjà découragé.

Il était seul, et avait peur de mourir seul.

Il ne comprenait pas ce qu’il faisait là, dans cette vie.

Éphémère regrettait sa vie de chenille, et d’avoir voulu réaliser son rêve.

Parce qu’un papillon n’a qu’une journée à vivre, et que c’est tellement court !

Se sentant faible, Éphémère marchait doucement sur une branche.

Il ne pouvait pas encore voler.

Il était fatigué d’être sorti de son cocon, et cherchait un abri.

C’est alors qu’il vit un bourgeon, qui allait s’ouvrir, malgré le mauvais temps.

Le papillon courut s’y réfugier.

Entre les futurs pétales du bourgeon, Éphémère était au chaud, et au sec.

3.

« Le bourgeon est un peu comme moi, pensa Éphémère. Quand il aura éclos, il deviendra une fleur ».

Éphémère avait raison.

La fleur s’ouvrit, et le papillon restait à l’abri, entre ses doux pétales roses.

« Merci à toi, belle fleur, lui dit Ephémère. Merci de prendre soin de moi.

– Tu as faim ? lui demanda la fleur. Tu peux boire mon nectar, si tu le désires. Sers-toi de moi pour prendre des forces. Quand tu auras assez bu, tu pourras aller voir d’autres fleurs.

– Pourquoi veux-tu que je parte après avoir bu ? s’étonna Éphémère.

– Pour que les autres fleurs puissent faire des graines.

– Je ne veux pas te quitter, gémit le papillon. Je suis bien en toi, je veux rester où je suis ; belle fleur, je t’aime !

– Tu ne sais pas ce qu’est l’amour, Éphémère. Et je n’ai pas le temps de te l’apprendre…

– Nous avons jusqu’au soir, dit Éphémère à la fleur. Je reviendrai, pour que tu puisses aussi faire des graines. Et ensuite, je pourrai mourir heureux dans tes pétales. »

Le papillon s’envola alors pour la première fois.

Éphémère était maintenant libre d’aller où il voulait.

Mais il ne pensait qu’à la fleur.

Il ne voyait même pas les autres papillons de son espèce, qui volaient comme lui.

4.

Éphémère savait qu’il n’avait qu’une journée, pour découvrir l’amour de sa vie. De tout son cœur il aimait la fleur, et souffrait d’être loin d’elle.

Voyant que chaque plante, chaque animal autour de lui avait trouvé sa moitié, le papillon fit demi-tour. Il voulait retrouver la fleur, lui répéter qu’il n’aimait qu’elle.

Éphémère ne trouverait jamais un autre être, qui le compléterait si bien.

La fleur l’aimait aussi, mais elle n’avait jamais voulu, elle, porter des graines. Le papillon pensa que c’était parce qu’ils s’aimaient tous les deux ; et que l’amour de deux êtres, de deux espèces différentes, ne pouvait produire ni graine, ni œuf.

Puisque la fleur aimait Éphémère, pourquoi ne lui avait-elle pas permis de mourir en elle ? Le papillon ne vivait qu’une journée, pourquoi donc la fleur l’avait-t-elle obligé à partir ?

Éphémère vola encore plus vite, pour rejoindre la fleur, parce que l’après-midi était déjà avancée. Il arriva sur la branche, et soudain, le papillon eut le cœur brisé.

La fleur avait fané.

Il comprit que la fleur n’aurait jamais eu le temps de porter des graines, parce que la vie de cette fleur était plus courte, que celle de ce papillon.

Éphémère n’avait certes qu’une journée à vivre ; mais la fleur n’avait eu que quelques heures.

5.

« Ma belle fleur est fanée, pleura Éphémère. Mon amour est mort ; elle avait essayé de me prévenir. Et je n’ai rien pu faire pour elle. Je n’ai même pas pu l’aider à faire des graines. Il ne reste rien d’elle, et bientôt, il ne restera rien de moi. Je ne l’ai pas écoutée. »

Le papillon s’envola tristement.

Une femelle papillon le remarqua, tandis qu’il errait sans but.

Elle suivit Éphémère.

Il vola longtemps, puis finit par se poser.

La femelle papillon se posa près de lui.

Ce n’est qu’à ce moment-là, qu’Éphémère la remarqua.

La femelle papillon se serra contre lui, pour se réchauffer. Comme la journée se finissait, Éphémère accepta sa compagnie.

« Demain, je pondrai des œufs, dit la femelle à son compagnon.

– Pourquoi m’as-tu choisi, moi ? demanda Éphémère ; il y a d’autres papillons qui sont nés bien après moi… Je suis en train de m’endormir, et je ne me réveillerai pas demain matin. Pourquoi m’as-tu choisi ?

– C’est ton odeur qui m’a séduite », lui répondit sa compagne.

Et elle ajouta :

« Ton odeur ressemble au parfum d’une fleur. »